Skip to main content

Il a commencé avec Art Farmer, croisé beaucoup de routes dont celles de Joe Henderson, Charlie Haden, Toots Thielemans, Eddie Daniels, Stan Getz ou Bill Frisell. Fred Hersch a 69 ans dont 45 de carrière multi primée, surtout en petites formations et sans qu’il soit facile de le rattacher à un courant strict. Il a la puissance tranquille de l’homme sans âge et de la légende vivante, comme le qualifiera Avishai Cohen au cours du concert.

Le trompettiste israélien, lui, pratique depuis au moins le début des années 2000 un équilibre assez rare entre grande technicité et chaleur du souffle, amplitude, traitement et mélodie. Il a beaucoup joué de standards en leur donnant du sang neuf dans nombre d’albums, multiplié les rencontres et produit récemment une suite improvisée à l’ambiance très riche (Naked Truth, 2022).

À Nantes, précédés de leurs réputations, ils ont rempli la salle Paul Fort aussi sec et ce lundi 6 mai, le public vibrait déjà à l’entrée des musiciens.

Il s’assied tout petit au piano, doigts noueux, lunettes rondes et dos voûté. Mais dès les premières notes c’est une averse fournie. Fred Hersch attaque fort le set. Pas une tempête, mais, des basses aux aigus, tout le piano est là. Avishai Cohen y vient d’abord en butineur et le rejoint par touches, de longues glissades en remontées puissantes.

Chacun y va de son flot comme deux ruisseaux parallèles qui grossissent, s’assèchent, surgissent. Piano/trompette est un duo rare qui permet ici autant de s’affranchir du rythme que de travailler en duo et solo. Dans les premiers morceaux – plusieurs compositions de Hersch dont l’une totalement inédite –, les deux hommes partent loin dans les harmonies mais reviennent toujours avec agilité sur quelques lignes mélodiques et citations.

Sur le jeu fourni de Hersch, Cohen pose des bribes de mélodies comme des jalons, des repères percussifs que les deux hommes se renvoient comme une balle. Nulle compétition ici, la technicité c’est l’engouement et l’attention à l’ambitus des instruments, une aire libre autour des thèmes pour une intimité amicale qui aura largement baigné la salle.

• Camille Pollas

CRÉDIT PHOTO : CHRISTOPHE GUARY