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Concert inhabituel le 22 février pour l’ensemble Ritual Tones : une sonorisation et des chaises pliantes ont été installées au milieu des œuvres de la grande salle d’exposition dédiée à l’art moderne (orphisme, art optique, art cinétique) au premier étage du musée d’arts de Nantes.

Dans cet environnement d’œuvres abstraites inspirées par la lumière, les illusions d’optique et la vitesse, le regard est immédiatement attiré par un gros cube ajouré contenant des tuyaux en bois et surmonté d’un clavier de quatre octaves derrière lequel s’installera Peggy Buard : un étrange orgue positif au timbre rappelant celui d’un orgue de barbarie dont la tessiture aurait été étendue.

Le début du concert est difficile à suivre tant l’écho de ce grand espace brouille l’écoute. Pourtant l’acoustique particulière du lieu, tout l’opposé d’un auditorium classique, va se révéler être un atout créatif pour les musiciens. Alan Regardin (bugle et composition), Alexis Persigan (trombone) et  Gabriel Lemaire (saxophone baryton) pratiquent le souffle circulaire afin d’obtenir un son continu semblable aux notes infiniment soutenues de l’orgue. Le concert commence par un long bourdon, comme un fluide, lent, solennel et majestueux. Le son semble remplir progressivement l’espace, se faufilant dans tous les interstices. Les battements produits par l’interaction des harmoniques des différents instruments répercutés par l’écho rendent vivant ce son monocorde. Il faut accepter de se laisser gagner par ce son mouvant. Certains ferment les yeux, d’autres semblent prostrés. Une expérience méditative proche de la transe.

Les musicien·ne·s en arc de cercle échangent des signes et des regards. Lentement, instrument par instrument, les notes évoluent. À chaque accord, le paysage sonore créé par les interférences se transforme. On remarque de nouvelles textures, de nouveaux détails. Il faut être totalement disponible pour cette musique faite d’infimes variations, parfaitement en accord avec les œuvres exposées alentour.  Peu à peu des ruptures apparaissent, une suite de notes se forme et se répète. Émergeant du magma fluide, on croit sentir un gigantesque golem se dresser maladroitement et entreprendre une marche mal assurée

Puis la tempête se calme, les instruments se taisent un à un, il ne reste bientôt plus que le son flûté de l’orgue, la pièce se termine. Les spectateur·rice·s émergent de leur rêverie. Aux murs, les œuvres semblent un peu différentes : parfois le regard passe aussi par l’oreille.

• Le Grizzly

CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE : CHRISTOPHE GUARY