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JAZZ À TOUS LES ÉTAGES

Dans le cadre des BIS – les Biennales Internationales du Spectacle – Pannonica organisait une soirée de gala ce mercredi 17 janvier 2024 : du jazz, ou presque, à tous les étages, de 19h jusqu’à très tard dans la nuit. Les deux salles du site – celle du Pannonica et Paul Fort – étaient mobilisées pour accueillir cinq formations.

© Bruno Grué 

© Bruno Grué 

Olaya l’exploratrice

À 19h, la soirée démarre avec Marie Olaya, armée de sa guitare et de son pédalier d’effets, seule en scène, dans la presque pénombre, pour deux longues plages, alternant le calme et la fureur. La salle, déjà copieusement remplie, est attentive et concernée. La guitariste sur son compte Facebook se définit comme une exploratrice de son et de sens, anti-conformiste et organique. C’est une définition honnête et rigoureuse de sa proposition du soir. Il s’agit de rentrer dans un monde, le sien, ou plutôt celui qu’elle partage avec son instrument, et de la suivre dans ses déambulations soniques et sonores. Marie au début de sa prestation explore au sens littéral la matière sonore que la guitare, cette sculpture en bois muni de six cordes d’acier, met à sa disposition. C’est un univers quelque peu abrupt, bruitiste et dissonant, mais impétueusement vivant et qui se laisse approcher si l’on accepte d’être bousculé.

Jean Do

Julie Campiche: ambiente à effets

 20h. Les claquettes de la pluie sur le toit de la salle Paul Fort accompagnent le début du set de la harpiste suisse Julie Campiche. Après  « Aquarius » dédié aux sauveteurs de méditerranée, le second titre est ponctué par la détermination de Greta Tunberg « I want You to Panic, I want you to act ! ». Le groupe délivre une musique ambiante teintée d’effets électroniques. La harpe instrument peu usité en jazz est étonnamment peu exploitée laissant une large place aux effets électroniques et au saxophone de Leo Fumagalli, un élève de Guillaume Perret dont l’influence est évidente. Le jeune quartet est complété par la rythmique efficace du bassiste Manu Hagmann et du batteur Clément Kuratle.

Le Grizzly

Naïssam Jamal, concentrée

Si la musique de Julie Campiche a pour ambition de nous réconforter dans un monde violent, la flutiste Naïssam Jamal invente ses propres rituels de guérison. L’ossature des morceaux repose sur le jeu entre la contrebasse de Claude Tchamitchian et le violoncelle de Clément Petit dont la tessiture est proche, mais le timbre bien distinct, complété par une batterie joué à la manière de percussion par l’étonnant Zaza Desiderio. Le quatuor au son naturel sans aucun effet, très boisé, se nourrit d’influences multiples qui varient au gré des morceaux : Afrique, Inde, Moyen-Orient, Amérique du Sud…  À l’image de sa leader, le quartet très concentré communique peu, il ne se lâchera réellement que sur le dernier morceau dédié au soleil en sollicitant la participation du public qui se lèvera spontanément.

L.G.

Mortelle Randonnée ou ballade mémorable

23h30 en sous-sol. Il n’est point question d’Isabelle Adjani ou de Michel Serrault sur la scène du Pano, mais d’un quartet de lascars à l’humour bien trempé: les Mortelle Randonnée. Ces derniers explorent le répertoire de Carla Bley sur un mode loufoque et déjanté, avec l’aval de Karen Mantler, fille de la compositrice, qui rejoint à l’occasion la formation. Tous multi-instrumentistes, les quatre musiciens se partagent les responsabilités au chant et à la désinvolture conviviale et communicative. Iconoclaste, aux arrangements foutraques, cette fanfare frapadingue propose un fumet indéfinissable auquel la salle répond avec enthousiasme. Le set se terminera, après un « J’aime pas chanter » d’anthologie interprété par le batteur, en appeau-théose par une ballade mémorable, les deux frontmen, sifflet au bec, cherchant à attirer quelques canards égarés, d’ordinaire fuis par les musiciens bien élevés.

J. D.

© Christophe Guary

Le Tigre des Platanes, gonflé à l’hélium

À 0h30, changement de plateau, micro balance et gig dans la foulée. Pour ceux qui ont survécu à la randonnée précédente, pas la peine de sortir le Baygon vert pour éliminer ces nuisibles qui rongent les feuilles du platane, mais plutôt les bouchons d’oreille. Pas question de s’endormir malgré l’heure tardive, Le Tigre des Platanes est dans la place ! Encore un quartet, que dis-je: une fanfare punk, gonflée à l’hélium, prête à tout faire imploser, jusqu’aux poumons de son sax baryton, souffleur de l’extrême, cramoisi dès le premier morceau. La pulsation est groove et musclée, assurée par une paire rythmique imperturbable, permettant aux deux souffleurs de s’en donner à cœur joie. Du bonheur cuivré. Le groupe alterne compositions – « Cendrars », « Velcro » – et reprises – le célèbre thème de « Twin Peaks » d’Angelo Badalamenti et le sublime « Prayer for Amerikkka » de Jaimie Branch, tous deux décédés en 2022. De l’énergie, mais aussi un peu de tristesse donc, Jaimie Branch ayant elle-même fait trembler les murs du Panno aux cris de sa trompette en janvier 2020.

À 1h15, la fête se termine. Fameux gaillard que ce Freddy Morezon. On adhère !

J. D.