Les mythologies font souvent référence à des êtres sylvestres, traits d’union entre le monde des hommes et celui des arbres, présents depuis des temps immémoriaux, ils incarnent la sagesse à l’épreuve du temps. Toma Gouband est de ceux-là.
On l’a vu l’été dernier lors des déambulations de La Démesure du Pas (*) improviser ses percussions comme on le faisait à l’aube de l’humanité, avec des feuilles, des branches et des cailloux trouvés sur les bords de l’Erdre. Ce nouveau spectacle est bâti sur une description géométrique de la musique propre au compositeur. La géométrie est l’une des composantes de la philosophie naturelle dans sa définition aristotélicienne. Il n’est donc pas surprenant que cette branche ancienne de la mathématique, née du mouvement de la terre et des astres, muse des métriques de la musique et de la poésie classique, a inspiré les méditations de l’homme-arbre.
À son arrivée dans la salle, le·la spectateur·rice trouve d’étranges parchemins multicolores couverts de dessins géométriques, c’est à la fois le programme et la partition de ce qui va suivre : une musique organique et instinctive improvisée sur des rythmiques complexe préalablement établis par les calculs de l’auteur.
Sur scène on pourrait croire au trio classique de jazz, piano, contrebasse, batterie, si dès le premier morceau Toma Gouband ne fouettait pas la peau de ses fûts avec des rameaux séchés. La batterie préparée est recouverte de pierres assorties choisies pour leur sonorité, de fruits et de bois séché, toute une panoplie minérale et végétale dont les vibrations sont amplifiées par la résonance des toms en opposition avec le son plus classique des deux autres musiciens. Très concentré, il joue avec des gestes précis et calculés, on sent au travers de la corporalité du musicien les différentes structures rythmiques qui le parcourent. La polyrythmie développée par le groupe nécessite une accoutumance et une grande disponibilité du spectateur, les motifs ne se dévoilent qu’au fil de l’écoute. On pourrait rapprocher cette expérience des travaux de « MILESDAVISQUINTETORCHESTRA! » qui nous ont été présentés en février dans cette même salle (**).
« Il faut jouer pour devenir sérieux » disait Aristote, le trio « Out of the Wild » nous a délivré une création atypique à la fois singulière et familière, rigoureuse dans sa structure mais libre dans son interprétation, un moment fragile que seule la musique vivante permet de partager.
• Nicolas le Grizzly